Lundi/
J'ai passé une bonne journée
aujourd'hui, après avoir fait les magasins avec mes copines, je suis
rentrée chez moi à pied. Après tout le trajet ne dure que 10 minutes, pourquoi payer le bus quand on peut marcher. Une de mes amies m'appelle
pour me raconter une sombre histoire de fiente de pigeon. Je rigole à
son récit, lorsque soudain une voiture ralentie et s'arrête « On peut
venir rire avec toi ou autre chose, si tu vois ce que je veux dire».
Je suis gênée, prétexte un manque de batterie et raccroche à ma copine. J'ai
honte d'avoir ris à gorge déployée, sans cela je n'aurais pas
attirer leur attention.
Je ne répond pas à leur invitation et accélère mon pas.
Mardi/
Aujourd'hui, j'apprends que j'ai la
meilleure moyenne de ma classe, je suis contente, je n'ai pas
énormément travaillé ce trimestre en plus. Un garçon de ma classe
vient me voir et me dis en rigolant « non, mais toi, on dirait
pas que t'es la meilleure élève avec tes cheveux blond, ton
maquillage et tes talons », je souris en lui répondant que les
« apparences sont trompeuses ». J'ai envie de rajouter
« toi par exemple, t'as l'air sympa mais t'es un vrai
connard ».
Je sais qu'il l'a dit sur le ton
humoristique mais il serait impensable qu'un discours pareil soit
tenu pour un garçon, on n'entendra jamais « non, mais toi, on
dirait pas que t'es le meilleur élève avec tes cheveux blond, ton
gel et tes air max ».
Si j'avais été un homme, on m'aurait
reproché mon attitude en inadéquation avec mes bonnes notes et non
mon apparence ;
Mercredi/
Pour me féliciter de mon bulletin, je décide de
m'acheter une glace. Je ne me fais pas souvent plaisir, je l'ai bien
mérité. En pleine dégustation, j'entends : « elle
a pas besoin de ça la grosse ».
Je ne réplique pas, choquée qu'une
inconnue se permette de juger mon poids. Mon IMC est pourtant normal,
certes j'ai des poignets d'amours, néanmoins pas de quoi me traiter
de « grosse ». Et puis tant bien même je serais
« grosse », cette femme n'a pas le droit d’émettre son
avis sur ce que je mange. Apparemment, mon apparence physique
préoccupe le monde extérieur, pourtant le corps est un bien privé
non ?
Jeudi/
Jeudi soir, je sors avec des amis. En
revenant de boire un verre, nous rentrons une fois de plus à pied
avec ma colocataire (ne disposant pas de bus de nuit dans ma chère
et tendre ville). En passant devant un bar, des hommes ivres nous
accostent : « vous seriez pas étudiantes en sexologie? Vous pourriez nous donner des cours à moi et mes copains ».
Nous les ignorons, je leur fais un doigt d'honneur une fois que nous nous sommes éloignés. Ma réaction est peut être basse mais je n'ai pas
les mots pour exprimer ma colère et j'ai peur de les provoquer,
après tout ils sont plus fort que nous..
Vendredi/
Comme tout les jours, je vais à la fac
à pied, je suis habillée en jupe, elle n'est pas courte ( je tiens
à le préciser puisque de nos jours, les victimes ont tendances à
être responsables, accusés de « provoquer »). Un homme
visiblement à la rue, m'interpelle, vociférant: « putain »,
« salope » et commence à me suivre. Je me met à courir.
J'ai peur.
Samedi/
C'est l'anniversaire d'une copine, nous
descendons de l'arrêt de bus et nous dirigeons chez elle à pied,
deux hommes nous bloquent et volent le portable de mon amie,
choquées, nous appelons la police. Au commissariat, on nous reproche
d'être passées par ce chemin, dangereux pour les jeunes femmes non
accompagnés (sous entendu sans homme). J'ai la désagréable
sensation d'être renvoyé au XVIème siècle. Après trois heures à
attendre pour porter plainte, nous sommes entendus et pouvant enfin
repartir. Lors de notre retour, 4 voitures ralentissent à notre
hauteur. Ce ne sont probablement pas des mauvaises personnes, ils
veulent peut être tout simplement nous proposer de les joindre, ou
peut être trouvent-ils cela rigolo ? Quoi qu'il en soit, j'ai, une fois de plus,
peur.
Dimanche/
Fatiguée de ma semaine, je suis
contente de fêter l'anniversaire de ma grand-mère en famille. Ah la famille, ce
havre de paix où la sécurité règne. En pleine pensée sur le
bonheur d'être avec ce que l'on aime, ma vieille tante,
m'apostrophe « Lucie, ta robe est trop courte, et après on
s'étonne que les femmes se fassent violer, faut arrêter de tenter
le diable aussi ».
En une phrase, tata a 1/Critiquer ma jolie
robe acheté lundi 2/ Légitimer les violeurs 3/ Blâmer les femmes.
Ma grand-mère tente de prendre ma défense, en vain.. Je n'ai plus jamais reporté cette robe.
Ainsi, nous vivons dans un monde, où il est
plus facile d'incriminer les femmes que de les protéger.
Évoluer dans la société actuelle est
épuisant, en plus des diktats de beauté, nous devons supporter la
peur chronique de la rue.
J'ai conscience de généraliser, de
faire de mon cas un ensemble.
J'espère avoir tord, j'espère
fortement me tromper.
Cependant peu de femmes peuvent
affirmer n'avoir jamais eu peur à cause de leur genre, de n'avoir
jamais été fatiguées par un « dragueur de rue », de
n'avoir jamais ressenties le poids des critères de beauté.
Si aujourd'hui, je suis excédée, ce
n'est pas d'avoir trop lutter mais plutôt d'avoir eu la sensation de
me battre dans le vide.
Ce pourquoi, je ne pense pas être dans le pathos
quand je me plains, je fais seulement le triste constat de nos
quotidiens.
Post-scriptum/
Tout ces événements me
sont arrivés. Certes le choix de les condenser en une semaine
est fait pour renforcer l'aspect sensationnel et dramaturgique, mais je peux vous
assurer que tout ces incidents se sont dérouler durant ces six derniers mois.
L.
L.
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