mercredi 30 décembre 2015

Le poids d'être une femme, le harcèlement de rue et moi

Lundi/
J'ai passé une bonne journée aujourd'hui, après avoir fait les magasins avec mes copines, je suis rentrée chez moi à pied. Après tout le trajet ne dure que 10 minutes, pourquoi payer le bus quand on peut marcher. Une de mes amies m'appelle pour me raconter une sombre histoire de fiente de pigeon. Je rigole à son récit, lorsque soudain une voiture ralentie et s'arrête « On peut venir rire avec toi ou autre chose, si tu vois ce que je veux dire». Je suis gênée, prétexte un manque de batterie et raccroche à ma copine. J'ai honte d'avoir ris à gorge déployée, sans cela je n'aurais pas attirer leur attention.
Je ne répond pas à leur invitation et accélère mon pas.
Mardi/
Aujourd'hui, j'apprends que j'ai la meilleure moyenne de ma classe, je suis contente, je n'ai pas énormément travaillé ce trimestre en plus. Un garçon de ma classe vient me voir et me dis en rigolant « non, mais toi, on dirait pas que t'es la meilleure élève avec tes cheveux blond, ton maquillage et tes talons », je souris en lui répondant que les « apparences sont trompeuses ». J'ai envie de rajouter « toi par exemple, t'as l'air sympa mais t'es un vrai connard ».
Je sais qu'il l'a dit sur le ton humoristique mais il serait impensable qu'un discours pareil soit tenu pour un garçon, on n'entendra jamais «  non, mais toi, on dirait pas que t'es le meilleur élève avec tes cheveux blond, ton gel et tes air max ». 
Si j'avais été un homme, on m'aurait reproché mon attitude en inadéquation avec mes bonnes notes et non mon apparence ;
Mercredi/
Pour me féliciter de mon bulletin, je décide de m'acheter une glace. Je ne me fais pas souvent plaisir, je l'ai bien mérité. En pleine dégustation, j'entends : « elle a pas besoin de ça la grosse ».
Je ne réplique pas, choquée qu'une inconnue se permette de juger mon poids. Mon IMC est pourtant normal, certes j'ai des poignets d'amours, néanmoins pas de quoi me traiter de « grosse ». Et puis tant bien même je serais « grosse », cette femme n'a pas le droit d’émettre son avis sur ce que je mange. Apparemment, mon apparence physique préoccupe le monde extérieur, pourtant le corps est un bien privé non ?
Jeudi/
Jeudi soir, je sors avec des amis. En revenant de boire un verre, nous rentrons une fois de plus à pied avec ma colocataire (ne disposant pas de bus de nuit dans ma chère et tendre ville). En passant devant un bar, des hommes ivres nous accostent : « vous seriez pas étudiantes en sexologie? Vous pourriez nous donner des cours à moi et mes copains ». Nous les ignorons, je leur fais un doigt d'honneur une fois que nous nous sommes éloignés. Ma réaction est peut être basse mais je n'ai pas les mots pour exprimer ma colère et j'ai peur de les provoquer, après tout ils sont plus fort que nous..
Vendredi/
Comme tout les jours, je vais à la fac à pied, je suis habillée en jupe, elle n'est pas courte ( je tiens à le préciser puisque de nos jours, les victimes ont tendances à être responsables, accusés de « provoquer »). Un homme visiblement à la rue, m'interpelle, vociférant: « putain », « salope » et commence à me suivre. Je me met à courir. J'ai peur.
Samedi/
C'est l'anniversaire d'une copine, nous descendons de l'arrêt de bus et nous dirigeons chez elle à pied, deux hommes nous bloquent et volent le portable de mon amie, choquées, nous appelons la police. Au commissariat, on nous reproche d'être passées par ce chemin, dangereux pour les jeunes femmes non accompagnés (sous entendu sans homme). J'ai la désagréable sensation d'être renvoyé au XVIème siècle. Après trois heures à attendre pour porter plainte, nous sommes entendus et pouvant enfin repartir. Lors de notre retour, 4 voitures ralentissent à notre hauteur. Ce ne sont probablement pas des mauvaises personnes, ils veulent peut être tout simplement nous proposer de les joindre, ou peut être trouvent-ils cela rigolo ? Quoi qu'il en soit, j'ai, une fois de plus, peur.
Dimanche/
Fatiguée de ma semaine, je suis contente de fêter l'anniversaire de ma grand-mère en famille. Ah la famille, ce havre de paix où la sécurité règne. En pleine pensée sur le bonheur d'être avec ce que l'on aime, ma vieille tante, m'apostrophe « Lucie, ta robe est trop courte, et après on s'étonne que les femmes se fassent violer, faut arrêter de tenter le diable aussi ». 
En une phrase, tata a 1/Critiquer ma jolie robe acheté lundi 2/ Légitimer les violeurs 3/ Blâmer les femmes. Ma grand-mère tente de prendre ma défense, en vain.. Je n'ai plus jamais reporté cette robe.


Ainsi, nous vivons dans un monde, où il est plus facile d'incriminer les femmes que de les protéger.
Évoluer dans la société actuelle est épuisant, en plus des diktats de beauté, nous devons supporter la peur chronique de la rue.
J'ai conscience de généraliser, de faire de mon cas un ensemble.
J'espère avoir tord, j'espère fortement me tromper.
Cependant peu de femmes peuvent affirmer n'avoir jamais eu peur à cause de leur genre, de n'avoir jamais été fatiguées par un « dragueur de rue », de n'avoir jamais ressenties le poids des critères de beauté.
Si aujourd'hui, je suis excédée, ce n'est pas d'avoir trop lutter mais plutôt d'avoir eu la sensation de me battre dans le vide. 
Ce pourquoi, je ne pense pas être dans le pathos quand je me plains, je fais seulement le triste constat de nos quotidiens.

Post-scriptum/ 
Tout ces événements me sont arrivés. Certes le choix de les condenser en une semaine est fait pour renforcer l'aspect sensationnel et dramaturgique, mais je peux vous assurer que tout ces incidents se sont dérouler durant ces six derniers mois. 

L.

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